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Le restaurant communautaire de Mme BARAKA

Se maître au bon moment

Histoire de vie N°17 – Le restaurant communautaire de Mme BARAKA

« Sous l’histoire, la mémoire et l’oubli.
Sous la mémoire et l’oubli, la vie.
Mais écrire la vie est une autre histoire.
Inachèvement » – Paul Ricoeur

 

J’ai longtemps hésité à inclure ce texte dans mon recueil.
Il y a des choses que l’on aimerait ne pas savoir, ne pas
entendre, ne pas lire, ne pas connaître. Mais lorsque
l’on sait, c’est trop tard. C’est pour toujours. C’est pour
la vie. Madame Baraka voudrait faire de son histoire
de vie un livre. Elle voudrait que je l’écrive. Je ne suis
probablement pas capable d’un tel travail. D’ailleurs,
j’ai mis des heures et des heures à écrire ce qui suit.
Dans son histoire, il y a beaucoup de noir et d’ombres
qui planent, qui pèsent lourd comme certaines pages
maudites de l’Histoire. Mais il y a aussi dans son récite
de la lumière, beaucoup de lumière, et c’est elle que l’on
voit, vous savez comme ces rayons de soleil qui percent 
depuis la cime des arbres dans les arbres touffus.

Olivier P.

 

 

 

 – UNE ENFANCE HEUREUSE AU RWANDA –

Je m’appelle Madame Baraka. « Baraka » en langue swahilie
(et en arabe), ça veut dire « bénédiction »! Je suis née à l’ouest
du Rwanda. Mon père était instituteur.Il combinait son
métier et celui de conseiller communal. Cela lui donnait
un rang considérable dans la société locale. Ma mère était
une femme au foyer. Nous étions autosuffisants avec nos
terrains cultivés et notre bétail. Je suis la 3ème de la famille et
nous avons eu un frère adoptif. Mes parents sont morts très
tôt. J’avais 17 ans. Ma mère s’est laissée mourir de chagrin
peu de temps après la disparition de mon père. J’étais au
lycée à cette époque. Je suis restée chez mon frère aîné. C’est
celui dont j’étais le plus proche. Son épouse était une amie
à moi. Donc, ça s’est bien passé. I avait un rang social élevé
dans l’administration. Je n’ai pas souffert matériellement et
il y avait beaucoup d’amour dans cette maison. J’étais une
bonne étudiante, on peut dire que j’était plutôt brillante. J’ai
toujours été dans les premières. J’ai travaillé un temps après
le lycée, puis je me suis mariée. J’ai repris les études très vite,
car mon mari le souhaitait.
Quand la guerre a éclaté, j’étais sur le mon d’avoir mon
premier diplôme d’université ; un niveau de licence sociale et
juridique. On est alors en 1994.

 

 – UN MARI, UN BÉBÉ –

J’avais 29 ans, mon mari 34 et notre bébé 1 an. Mon
mari était un fonctionnaire d’Etat. Il travaillait en province,
donc il n’était pas souvent à la maison. Quand l’avion de
l’ex-président de la République a explosé en vol dans la
soirée du 6 avril 1994, moi, je ne l’ai pas su et j’ai dormi
tranquillement ce soir-là.

 

 – QUAND TOUT A COUP, TOUT BASCULE –

C’était très tôt le matin quand j’ai sui la nouvelle par la
radio. Notre quartier a été complètement encerclé par des
hommes armés. Je suis sortie de ma maison comme tout
le monde, sans rien comprendre, et sans rien prendre pour
fuir la tuerie, le génocide, l’indicible. J’ai vu que que l’on
ne peut pas oublier. On a tous couru vers la brousse, car
l’important c’était de sortir de Kigali. Sortir pour échapper
aux bombardements, aux assassinats par les milices. Il y avait
deux forces qui se battaient : l’armée régulière déchue et les
milices qui assassinaient et, de l’autre côté, les rebelles qui
avaient pris le pouvoir et essayaient de délivrer la ville.
C’était un mélange de rage, de haine,  sous une plus de balles
et de coups de machette. Nous étions comme des proies, on
ne savait pas où aller et qui fuir. J’ai suivi le flux de la foule,
folle de peur pour aller me cacher en courant, en hurlant
avec ma fille sous le bras.

 

 – FUIR, FUIR, FUIR –

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